Parler ou se taire
Confronté dernièrement à une situation où j’étais condamné injustement, loin de la vérité, je me suis retrouvé incapable de me défendre, alors qu’il m’est naturellement facile d’étaler mes arguments dans une discussion. Mon cœur brûlait au-dedans de moi mais mes lèvres ne s’ouvraient pas. Je me suis senti malheureux, seul. Des larmes traitresses ont jaillis de mes yeux. J’ai tôt fait de les essuyer.
C’est après que l’Esprit de Dieu m’a montré l'image de Jésus, ligoté (aujourd'hui on dira menotté) et frappé par les soldats. De sa bouche ne sortit aucun cri, aucune volonté de se justifier, alors qu’il n’avait rien fait de ce qu’on lui reprochait. Voilà le Dieu créateur qui devient la risée des hommes, comme dirait un frère.
Loin de me comparer à lui, Sauveur de ma vie, je voudrais bien comprendre pourquoi il me demande de me taire, alors que tout ce que l'on me reproche est à mille lieues de la vérité ?
On juge un coupable, on punit un fautif, pourquoi veut-il que je me taise alors que je suis humilié ?
Je réalise en méditant ainsi que le frère David, Roi d'Israël est passé aussi par là. Le psaume 39 nous montre en effet un David malheureux, en butte à la méchanceté et à l'incompréhension humaine.
Cependant, il ne cède pas à la tentation de se défendre soi-même, de polémiquer avec ses ennemis. Il dit : "Je veillerai sur mes voies, de peur de pécher par ma langue ; je mettrai un frein à ma bouche, tant que le méchant sera devant moi." Il connaît le danger des discussions stériles qui engendrent des querelles. Il préfère s'en remettre à Dieu qui saura régler le problème beaucoup mieux que lui.
Sache bienaimé que si l'on te fait du mal, si l'on tient sur toi des propos mensongers ou faux, il ne t'est certes pas interdit de rétablir la vérité, si tu en as l'occasion, ou si autour de toi on veuille bien t’écouter et te croire. Mais ne cherche pas à te justifier à tout prix ; remets simplement ta cause entre les mains du Dieu tout-puissant. Depuis que je suis au service de Jésus, je réalise qu’il m’est arrivé plusieurs fois d'avoir à subir de douloureuses injustices. Au départ, prompt à me défendre, je ne laissais personne continuer à « raconter sa vie » sur moi. Mais depuis, l'Esprit m'a appris que si je ne peux pas laisser aussi mon honneur et ma dignité prendre un coup pour Jésus, jamais je ne comprendrai pourquoi, lui le Créateur, s'est-il laissé frapper et juger par ses créatures. Alors j'ai appris dans la douleur il est vrai, à appliquer le psaume 37, attendant que L'Eternel me justifie en son temps : "Recommande ton sort à l'Éternel, mets en lui ta confiance, et il agira. Il fera paraître ta justice comme la lumière, et ton droit comme le soleil à son midi. Garde le silence devant l'Éternel, et espère en lui…" (Psaumes 37 :5-7)
Il est vrai qu'accepter de se taire en de telles circonstances n'est ni facile ni agréable, et David l'exprime en ces termes : "Je suis resté muet, dans le silence ; je me suis tu, quoique malheureux ; et ma douleur n'était pas moins vive. Mon cœur brûlait au dedans de moi, un feu intérieur me consumait" (Psaume 39 :3-4)
Te donner l’occasion de te défendre ou de te justifier quand tu le peux n’est pas mauvais en soi, au contraire. Mais le Seigneur qui te connaît souhaite que tu perdes sur ce terrain de la dignité, de l’orgueil, pour que tu gagnes par l’effacement et l’abandon.
En effet, si le Seigneur te demande de passer par ce feu de l'humiliation, c'est qu'il veut t'ouvrir les yeux, dans le désert de la culpabilité. Sans doute, ton entourage t'a jugé et t'a proscrit pour avoir commis l’irréparable, ou te sens-tu indigne, conscient de ta pauvreté spirituelle. Apprends à repartir à la croix où le divin Crucifié te prouve son amour. Là, expérimente encore son amour pour toi, et sache qu'il te pardonne et te relève !
Dieu veut t'ouvrir les yeux, dans le désert de l’abandon, dans lequel les circonstances et les hommes t'ont banni. Ne garde pas la moindre sécheresse dans le cœur, car tu ne mourras pas dans ce désert. Va plutôt puiser au puits de la Parole, la compassion du Père qui te console, en te prenant dans ses bras.
En fermant tes lèvres, Dieu veut t'ouvrir les yeux, dans ton désert de silence, alors qu’autour de toi on crie blasphème. Si les hommes te ferment la porte de leur cœur, si le regard des hommes n'est plus que condamnation, Sois-en sûr : le Ciel a une porte ouverte et des yeux d'amour sont fixés sur toi.
Si la solitude semble être ta seule compagne, et la tristesse ton seule amie ; si tu te sens du coup inutile et stérile parmi les tiens, sache que tu n'es pas seul. Jésus le juste juge est avec toi, un ami fidèle qui ne juge ni ne condamne, mais qui t'aime simplement, éternellement.
Si l’Eternel te demande de mettre un frein à tes lèvres, alors que tu devrais te défendre ou te justifier, sache qu’il veut t’apprendre la plus profonde humilité, qui passe par l’humiliation. Alors oublie ta dignité et ton amour-propre, laisse le Seigneur achever en toi l’œuvre transformatrice qui te fera ressembler à lui. Désire au-dessus de ton honneur, la merveilleuse présence de Jésus, qui te prendra dans ses bras, lui le Maître l’humilité qui élève.
Puisse le Seigneur t'enseigner à te taire des fois, même quand tu as raison, même quand tu es accusé injustement. Et puisse ce silence être le chemin de l'obéissance, de la soumission et du brisement, afin que sortir de ces moments, le Seigneur lui-même te justifie et te rélève.
Pascal